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écrivain voyageur anthropologue curieux

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Maria Maïlat - écriture-lecture-traduction, poésie, anthropologie et philosophie


Journal noir de cet été français

Publié par Maria Maïlat sur 11 Septembre 2010, 12:30pm

I. L'été fut empoisonné par la violence de l'Etat français contre les Roms et éclairé par quelques prises de positions fortes. Mais sans manifestations du peuple français. Les syndicats sont devenus des boutiques à sous, on se mobilise pour les retraites, mais pas pour un projet de transmission entre les générations, entre les modes de vie différents dont nous sommes tous les responsables, les créateurs. La répression contre les Roms aurait pu déclencher un mouvement d'altérité, une ré-affirmation claire du fait que la cité doit penser et assumer ses responsabilités dans le dialogue entre les hommes et l'éducation des jeunes. Bon, il est vrai que le samedi 4 septembre, les braves gens ont fini par sortir dans les rues. Retour de vacances oblige. Je rêve d'une marche silencieuse partant des villes et communes vers Paris, organisée par les syndicats et les partis d'opposition...

Fini le projet politique de la société civile? Peut-être... Lorsque j'ai traversé une petite ville paisible comme Levens (06) près de Nice, j'ai découvert un "exemple" d'obéissance volontaire, d'une vulgarité devenue banale: la Mairie a installé - avec notre argent - des caméras de vidéosurveillance partout.

Je me dis que la vie, la vraie, est ouverte aux "sauvages", aux exilés, aux révoltés, aux jeunes en colère, aux enfants "agités", aux amoureux... Les adultes qui font semblant d'exister dans des enclos, des zoos, dans leur petite propriété entre voitures-piscines-pavillons-sarcophages ne vivent pas...Je refuse de me laisser gagner par l'ambiance morose, pleurnicharde (chacun a mal quelque part, n'est-ce pas?). NON. Je crois que chacun, là où il se trouve, peut affirmer sa dignité, son courage, son intelligence, son souci de l'autre, sa liberté, son opposition aux mensonges et à la tricherie... Un Etat de surveillance détruit la confiance dont les personnes ont besoin pour respirer, se lier d'amitié, aimer. Chacun peut faire un geste, YES, on peut penser, agir, parler.

Fin août, dans le métro parisien, un homme jouait de violon comme un Dieu. Dans le wagon où je me trouvais, il a donné un concert. A la fin, silence. Puis, sa voix: "Voilà, je suis Tzigane de France et de Roumanie, je joue pour vous et je ne vous demande rien." Puis, il a changé de wagon. Nous nous nous sommes regardés. Honte, joie, rage, volonté de se mettre debout... jamais, je ne me suis sentie aussi fière d'appartenir à ces deux pays.

II. Début septembre: les mères dites familles monoparentales sont mises au ban: elles sont montrées de doigt comme étant la CAUSE de la délinquance des mineurs en France! Olé! Le journal LA CROIX l'affirme haut et fort. Tout fout le camp, Monsieur Huriet! Du moment où les bébés naissent hors mariage où on va?! On oublie l'histoire: le mariage imposé à coup de lois régaliennes et par la peur d'être voué aux feux de l'enfer! La fabrication de l'Enfer et combien de vies écrasées par l'Inquisition? La chasse aux sorcières devient plus bling-bling chez les Messieurs qui lisent La Croix en septembre. On oublie aussi que Jésus (sans qui le mot croix n'aurait pas eu de place) est issu d'une famille monoparentale et recomposée...Le mythe idéologique établissant une relation de cause à effet entre la famille "monoparentale" et la délinquance est la nouvelle peste qui broie la pensée.

Les politiques achèvent eux-mêmes ce qui reste du politique. Fouiller la vie intime des gens, farfouiller dans leur vie sexuelle sont les facettes de l'obsession lubrique des politiques et des "experts" pour qui les phénomènes de société, les espaces de la cité, tout ce que les institutions devraient penser en terme d'éducation, de transmission, de vie collective sont écrasés sous le fantasme de la mère... célibataire qui se "permet d'avoir plusieurs compagnons!"

Dans un autre pays, Obama fait des choix. En France on cherche le coupable. Les guillotines ont la vie longue, elles se nichent dans les paroles des Maîtres qui cumulent les salaires et les médailles. Ils forment les têtes d'un Etat fou: au boulot, donc! Que l'on ouvre des camps pour les familles monoparentales; que l'on stérilise les mères qui font plus d'un enfant hors mariage; que l'on lobotomise leurs enfants pour qu'ils obéissent à Hortefeux et co. Car il faut être décervelé pour supporter tout ce que l'on a entendu, vu et lu au cours de cet été. Ou alors lire Foucault, La Boétie, Jankélévitch, Aristote... Prendre la parole en s'interdisant de faire des affirmations qui écrasent la vie des autres sous couvert de soutien, de soins... Et regarder les films, tous les films de Gus Van Sant (Merci Tristan pour cette découverte) Voilà pour ce midi du 11 septembre où mes pensées vont vers les ROMS.


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