Poiê&mages ?

je continue de prendre des photos, comme si la nuit aurait pu dévoiler une clarté boréale capturée dans la boite noire d’un logiciel. Sur l’écran de l’ordinateur, les images me semblent fluctuantes, fluides, pleines d’inconnu comme dans mes rêves. Un jour, je me décide d’utiliser l’intelligence artificielle pour une écriture visuelle, des feuilles de route, proches de brouillons et de ratures propres aux poèmes. Je me mets à bricoler des poiê&mages. Ce néologisme inscrit le faire — sens originel du mot poésie — dans l’espace visuel d’un observateur qui bricole (pour reprendre le terme de Claude Lévi-Strauss). Je bricole le visible et l’invisible, l’ombre et les scintillements d’une « auréole claire », selon l’expression de Goethe. Les poiê&mages [subst. fém.] sont des objets hybrides, inachevés, créés par l’observation d’un oeil myope relié aux techniques de fabrication du virtuel. Les associations de formes et de couleurs, à l’aide des logiciels, permettent d’explorer toute une constellation de possibles condensés dans les images et les souvenirs. Cette expérience pourrait s’apparenter à l’art, mais aussi aux rituels des « techniciens du sacré » amérindiens. La comparaison est audacieuse, certes, mais non dénuée de sens, à condition de faire appel à ces outils à la croisée du prévisible et de l’imprévisible dû à une série de gestes approximatifs. Aussi, il faudrait se dire, comme les Amérindiens, que toute technique est à la fois maléfique et bénéfique. Elle réveille, peut-être, l’esprit du jaguar, du cobra ou du renard. Les poiê&mages sont les objets de cette expérience d’attention et de rituel concret.