A l’aide d’une aiguille rouillée,
il avait gravé des lettres sur son ventre,
les avait photographiées en noir et blanc et me les avait envoyées.
Lorsque l’image m’est parvenue par messagerie électronique
mon ordinateur se bloqua, la carte mère devint muette.
L’écran - noir.
Le clavier ne réagissait plus.
Jamais, je ne lirai les mots qu’il avait tatoués à même sa peau
en pensant à moi, inspiration étrangère.
Ce même soir d’été, ivre, l’expéditeur se noya dans la rivière.
Son ventre gonflé chavira avec les poissons morts et les branches cassées.
L’encre s’effaça.
Je n’étais pas son sauveur. Je n’avais rien. Juste un ordinateur dévasté
par le virus I love you.
L’homme avait disparu.
Son poème aussi.
Le téléphone se mit à sonner.
A l’autre bout du fil, une voix m’affirma que je ne serai plus jamais la cible
de ce malade mental qui se croyait poète.
J’ai débranché tous les appareils et mêlé l’alcool au sommeil.
Le lendemain, sous la douche, mes seins portaient les traces d’une plume
pointue.
Les lettres s’écrasèrent les unes contre les autres
et, de leur chute, un œuf jaillit: poème parfait n’exigeant
aucun mot.
Rebondissant contre les murs, il disparut aussi.
Le soir, dans la rue,
je dégringole plus bas encore,
dans le bruyant mutisme de
l’anus mundi.