La femme regarde le paysage, chaque matin et chaque soir. Un paysage est rare et ne pousse pas dans les villes, ni dans les villages, ni aux alentours des autoroutes. Un paysage se laisse approcher plus difficilement qu'un animal sauvage.
La femme ne s'aperçoit pas que son corps change pendant qu'elle regarde le paysage.
Le regard du paysage qui la regarde est une sorte de capsule qui respire, s'agrandit dans sa transparence, émane un air divin à respirer, déploie des voiles immenses dans ses mouvements qui caressent le corps de la femme. Le regard du paysage enveloppe ce corps solitaire qui s'offre à lui chaque matin et chaque soir. Ce n'est pas une fleur bleue même si les prunelles des yeux ressemblent à des bleuets azurés à peine éclos. Et le corps change en y absorbant des écorces, des fleurs, des feuilles, mille sorte de poussières fines et de sable, des pluies, de la grêle, de la neige, des fourrures et des pelages, d'innombrables ailes et des reflets de lumière remplie d'obscurité et de silence. Ainsi, le malheur transformé en joie tisse dans le corps de la femme tout le paysage jusqu'à ce que le paysage et elle ne forment qu'un. Ainsi, elle peut enfin se laisser vivre baignée de l'intérieur par l'amour. Et l'dée que la vie l'aime est présente en elle autant que les dernières feuilles de l'amandier qui lui a fait espérer cette métamorphose.